LE CULTE DES ANCÊTRES
Le culte des ancêtres est le pilier commun aux sociétés africaines et la base des principales religions traditionnelles. La famille, l’ethnie se réclament d’un ancêtre commun, souvent celui qui a fait passer le groupe de l’état de chasseur à celui d’agriculteur, devenant le héros qui a apporté le métal et que l’on vénère.
L’entretien de l’ancêtre, ou le culte, a pour but de lui rendre la vie outre-tombe meilleure et de lui montrer que les traditions sont respectées. Les vivants ont ainsi des devoirs envers les morts. Ils leur font des offrandes, marquent le respect et demandent régulièrement leurs conseils. Les ancêtres étant censés protéger leurs descendants. Mais l’ancêtre demeure aussi un intercesseur privilégié auprès des dieux.
Si l’homme concilie les dieux et les ancêtres, il profitera de leur force et de bienfaits qui se mesureront au prestige de la vie terrestre de l’ancêtre, garantis par la prière et le culte que l’individu leur voue.
Dans plusieurs tribus, la matérialisation de ce culte se manifeste par la présence de statues ou de masques. La fabrication des masques, la connaissance des signes et des formes de ceux-ci, ainsi que leur port, la danse et la musique y associées et qui accompagnent sa sortie, sont l’apanage des initiés, détenteurs de certains secrets inaccessibles aux profanes. Revêtant lui-même un caractère sacré dès sa première sortie, le masque devient vivant car habité par des esprits ou par les ancêtres.
Lorsque le sculpteur fabrique le masque, il est inspiré par une entité spirituelle qui a décidé de sa matérialisation à travers l’objet. C’est ainsi que le danseur peut entrer en contact avec l’esprit et révéler son message sous la forme de signes et d’attitudes guidées par cet esprit. Les masques diffèrent d’une ethnie à l’autre et en fonction de leur rôle.
Les masques à figure zoomorphes sont généralement utilisés pour garantir une bonne chasse ou pour concilier les esprits habitant les animaux de la brousse. Les masques à figure anthropomorphe sont généralement dédiés aux ancêtres pour que ces derniers puissent intercéder auprès des dieux afin d’assurer une bonne récolte par exemple. Mais le masque joue aussi un rôle déterminant pour la cohésion du groupe. Certaines mascarades imitent les actions des hommes et indiquent le comportement à suivre au sein du groupe.
LE MARIAGE
La constitution de la RDC consacre le droit de chaque Congolais de se marier avec la personne de son choix de sexe opposé, en vue de fonder une famille ; celle-ci étant considérée comme la cellule de base de la communauté humaine.
De ce fait, l’homosexualité est officiellement interdite mais les textes restent muets sur sa pénalisation.
Si dans la société traditionnelle, la formation de couples et le mariage sont encore liés à certaines traditions, par exemple les mariages dans la fratrie, la tolérance de la polygamie, l’union avec des partenaires obligés, possibles ou interdits, ces traditions ont pratiquement disparu dans les populations urbaines de souche à Kinshasa et dans les grandes villes.
Par contre, les mœurs locales en matière de tolérance sur la fidélité sont bien plus souples, du moins en apparence, que dans la société occidentale, particulièrement vis-à-vis des hommes. Beaucoup d’hommes entretiennent ainsi une seconde femme, maîtresse ou seconde épouse, appelée pudiquement « deuxième bureau ». Ce phénomène se retrouve partout au Congo mais particulièrement à Kinshasa.
Par ailleurs, une autre tradition bien vivace est relative à la constitution et l’échange de la dot entre les deux familles des futurs époux. La famille du mari se doit en effet de négocier un montant de dot avec la famille (souvent les oncles) de la future mariée, afin de déterminer sa valeur symbolique. Ce qui est surtout une manière déguisée et conforme à la tradition de faire honneur à celle-ci et aux membres de sa famille, et de témoigner qu’elle sera bien accueillie dans sa belle-famille.
La dot comprend surtout des biens matériels, selon une liste communiquée par les représentants de la mariée et fixée en fonction des revenus de la belle-famille, qui vont de casiers de bière, à des chèvres, pagnes en passant par le costume du père de la mariée. C’est un processus très important partout au Congo, l’échange des biens se concrétisant lors du mariage coutumier (sorte de fiançailles), préalable à toute autre démarche et cérémonie officielles célébrant l’union (mariage religieux et civil). Certains se contentant même uniquement du mariage coutumier.
LA MORT ET LE DEUIL
Tout d’abord, la mort d’un proche étant considérée comme un désastre pour la famille, elle a en principe une cause qui doit être décelée. Ce qui donne lieu à de nombreux abus constatés actuellement, en rapport avec l’essor des Eglises de réveil et autres sectes religieuses, qui désignent en général un responsable. Cela peut-être l’ancêtre mécontent, le mauvais œil ou la présence d’un « enfant sorcier » dans la famille, qui doit alors être chassé ou désensorcelé.
Quoiqu’il en soit, le rituel des funérailles est précis. A l’occasion du deuil (enterrement), certaines familles dépensent d’ailleurs des petites fortunes pour honorer le mort et manifester, souvent à grand renfort de musique, la tristesse qui accompagne ce moment. C’est souvent l’opportunité de revoir ses proches et la famille.
L’inhumation est suivie de concertations familiales pour examiner la situation nouvelle et résoudre les litiges qui s’y rapportent (cause du décès, partage de l’héritage, prise en charge des enfants et éventuellement de la veuve…). Dans le cas de la veuve, celle-ci peut être confiée à l’un de ses beaux-frères dans le cadre de la continuité du mariage déjà contracté. Si ce n’est pas le cas, elle peut être autorisée à refaire sa vie en retournant dans sa famille biologique. Il s’avère aussi qu’en cas de décès de la femme, certaines tribus attribuent une des sœurs de la défunte au veuf pour garder les enfants ou perpétuer la progéniture.
Si au Katanga, le deuil consiste à ce que le corps du défunt reste à la morgue jusqu’à la mise en bière suivie des différentes cérémonies funéraires et l’inhumation, dans d’autres provinces et principalement à Kinshasa, le décès est souvent devenu un moment de réjouissance.
Le défunt est lavé et son corps exposé dans un lieu public, la résidence du défunt étant bien souvent trop exiguë pour accueillir la multitude de personnes, connaissances et anonymes, venues assister au « spectacle ».
Des manifestations sont organisées pour exprimer la tristesse par des pleurs et des chants, entrecoupés de séances de prière, de périodes où l’on raconte des anecdotes et de moments plus festifs pour oublier la peine qui frappe la famille.
L’inhumation se fait le lendemain. Le mort est enterré sous les cris des pleureuses et la tombe sera régulièrement garnie de nourriture car, selon la croyance, l’être disparu vient s’alimenter la nuit.
Jusqu’il y a peu, les veillées mortuaires s’étendaient souvent sur une période de sept à quatorze jours mais avec la dégradation de la situation économique, les habitudes ont totalement changé. Le corps reste maintenant à la morgue le temps de réunir les moyens et de trouver l’endroit où l’exposer.
Une fois toutes ces formalités remplies, le corps est récupéré pour être exposé à l’endroit désigné sous une chapelle ardente, non sans faire le détour par la résidence du défunt ainsi que sur son lieu de travail.
Un verre d’amitié est servi au retour du cimetière avant de remercier tous ceux qui ont soutenu la famille dans ce moment difficile. Un rendez-vous est fixé à ce moment-là pour les cérémonies de fin de deuil, communément appelées « quarantième jour ». C’est l’occasion pour les amis, les membres de la famille et des différents groupes auxquels le défunt avait appartenu de rivaliser par le port d’uniformes qui les distinguent les uns des autres.
C’est davantage pour des raisons économiques que toutes ces cérémonies ont été réduites, en dépit du fait que le deuil continue toujours en famille pendant plusieurs jours. Les membres de la famille venus de loin, parfois des autres provinces ou de l’étranger, restent en général encore quelques jours pour se réconforter et financer une partie des frais.
LE PAGNE (WAX)
Depuis des temps immémoriaux, le pagne s’est imposé comme l’élément de base de l’habillement des femmes en Afrique subsaharienne et particulièrement en RDC. Au Congo et en particulier à Kinshasa, la colonisation belge avait imposé à la femme noire l’usage du pagne pour cacher son « impudique nudité ».
Plus tard, au nom de l’authenticité, Mobutu imposera lui aussi à la Zaïroise le port exclusif du pagne afin de respecter l’intégrité de la maman. Replacé ainsi dans une perspective historique, économique et socio-culturelle, l’évolution de l’usage du pagne en RDC trouve son originalité dans la volonté de parer à la nudité des peuples de la forêt équatoriale.
En souvenir des tissus anciens des ethnies traditionnelles confrontées aux influences que le Congo a subies, sur les plans technologique et culturel, à travers les routes du commerce et la colonisation belge, on en est arrivé à adopter ce rectangle de tissu imprimé que l’on appelle aujourd’hui pagne lequel, drapé autour de la taille, couvre le corps des hanches aux genoux ou aux pieds.
Soumis à différents codes dans la façon de l’attacher, le pagne est également destiné à de multiples usages : porte-bébé, couverture, linceul, couvre-chef, etc. Par ailleurs, il est devenu aussi, dans l’imaginaire du peuple, un instrument de transmission de messages : proverbes, motifs particuliers, convictions politiques ou religieuses. C’est ainsi qu’au fil de temps, des techniques de plus en plus élaborées de confection des textiles ont permis de produire la pièce de coton de couleurs imprimées souvent vives, répandue sur tout le continent africain.
Au-delà de ces techniques, il se dégage tout un tableau mettant en exergue l’histoire du pagne, les particularités de son utilisation, la signification des dessins qui l’ornent et aussi les genres stylistiques qui le caractérisent. Par le fait des migrations, la femme congolaise, notamment la Kinoise résidant à Bruxelles, a fait de la Porte de Namur (quartier Matongé à Ixelles) la plaque tournante du commerce et de la promotion du pagne en Europe.
Du « Liso ya pite », entendez « l’oeil de la putain » et de sa version ouest-africaine « l’oeil de ma rivale », au célèbre « mon mari est capable », en passant par le classique ABC, et par le tout récent « chignon de la Princesse Mathilde », le pagne suscite une fascination telle qu’à chacune de ses apparitions, il est baptisé, surnommé, chanté, encensé.
Des grands noms de la musique congolaise comme Tabu Ley Rochereau, avec des tubes comme « Mon Mari est capable » ont donné à cet attachement au pagne une autre dimension. Si le Congolais a principalement adopté le costume européen au détriment de l’abacost (ce costume à manches courtes promulgué par Mobutu, que l’on porte sans chemise), la femme par contre manifeste très souvent son élégance et sa réussite sociale par le port du pagne.
Simple pagne porté par les femmes africaines au départ, le tissu wax est même devenu en l’espace de quelques années une étoffe tendance des podiums de mode. Ce tissu aux couleurs criardes ne cesse en effet de faire des adeptes outre-Atlantique notamment, les stars s’entichant de cette mode dite ethnique. Avec en tête de file, la marque hollandaise Vlisco, toujours à la pointe de la mode, et qui reste le maître du tissu africain et domine le marché du wax de haute qualité. (Source : Césarine Bolya, Mémoires vives, asbl).
LA SAPE
Acronyme de « Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes », qui désigne ce mouvement, au départ purement d’ordre vestimentaire mais qui atteint aujourd’hui une dimension sociale et culturelle incontestables. Et qui est propre aux deux Congo, même si des différences sont progressivement apparues entre deux tendances (la SAPE à Kin et la Sapologie à Brazza), et dont l’influence déborde maintenant largement.
C’est à l’époque coloniale que naît cette association mentale qui instaure la primauté de l’élégance et de la sophistication comme signes extérieurs de pouvoir et de légitimation sociale. Mais c’est réellement à partir des années 80 que le mouvement prend de l’ampleur auprès des jeunes. Avec un certain Papa Wemba notamment, considéré comme ambassadeur de la SAPE. Toute une génération se met alors à vénérer les fringues de marque et les accessoires de luxe venus d’Europe.
Aujourd’hui, ce phénomène s’est métamorphosé en une forme de spectacle de rue extravagant entre la performance et le folklore. Qui fait partie intégrante du mouvement et de ses codes, et qui est devenu un véritable art de vivre. Pire même, une religion dénommée « Kitendi » (Tissu) et fondée par un Kinois, un certain Stervos Niarkos, autoproclamé « Pape » de la SAPE et sur la tombe duquel tous les sapeurs viennent se recueillir chaque 10 février dans le cimetière de la Gombe (le « spectacle » vaut d’ailleurs la peine !).
Mais la SAPE, c’est bien plus qu’un simple mouvement de jeunes qui s’habillent de façon ostentatoire, ou d’une extravagance gratuite. C’est devenu « un combat symbolique contre la misère terne dans laquelle ils vivent » (selon les termes du KVS lors d’une expo du photographe Yves Sambu consacrée à ce sujet). Quant à la différence entre la SAPE kinoise et la Sapologie de Brazza, on considère que la première est davantage artistique.
Elle consiste à se créer un look et une identité visuelle uniques, tout en restant élégant et de bon goût, mais en fabriquant le plus souvent soi-même ses vêtements. Tandis que la Sapologie de Brazza, tout en revendiquant l’élégance, consiste davantage à porter et exhiber des marques de grands couturiers, dans un style qui leur est propre et qui inclut également cette théâtralité que l’on retrouve des deux côtés.