La littérature congolaise d’expression française est riche et foisonnante, depuis plus de soixante ans d’existence, mais rares sont les auteurs congolais lus, reconnus et commentés dans les paysages culturels francophones en dehors de la RDC. Certains Congolais déplorent d’ailleurs que la Francophonie soit surtout, d’après eux, au service des anciennes colonies françaises, et délaisse quelque peu le Congo-Kinshasa…
Quant aux quelques maisons d’édition basées au pays, à Kin principalement, elles limitent souvent leurs tirages à un public local et il n’est pas rare que les auteurs prennent eux-mêmes en charge les coûts d’édition. Ce qui explique ce manque de diffusion et déficit de notoriété, à l’intérieur comme à l’extérieur du Congo, d’écrivains pourtant talentueux et qui gagnent à être connus. Et ce, afin de faire découvrir à un plus large public cette littérature, ses talents, ses thèmes originaux, son style particulier non sans humour caustique et empreint d’un certain surréalisme poétique, ainsi que son histoire spécifique. Il faut en effet attendre l’après-guerre et le recul progressif des forces coloniales pour qu’une élite intellectuelle locale ait enfin droit à la parole/plume et qu’un mouvement littéraire de langue française s’amorce et prenne forme au Congo. Même si l’on peut signaler « La psychologie des Bantu » (1910), l’essai de Stefano Kaoze qui fut l’un des premiers Congolais à être ordonné prêtre et à écrire en français. Ses récits comprennent d’ailleurs de nombreux inédits à ce jour, et qui consistent en proverbes et récits du terroir tabwa, soit des mythes, contes, légendes qu’il a recueillis et traduits en français ainsi que des lettres, une traduction du missel en swahili, des études ethnologiques, etc. Dans les années 20 et 30, de nombreux autres auteurs congolais vont œuvrer dans la vision de leurs maîtres colonisateurs, à la collecte de contes, légendes, proverbes et autres récits de terroirs. Certains d’entre eux en assurent même la traduction en français.
L’APRÈS-GUERRE
Cependant, c’est surtout le courant de renouveau qui souffle à la fin de la guerre et la création du mensuel « La Voix du Congolais » en 1945 qui marquent le début d’une littérature congolaise originale.
Après un demi-siècle d’éditions missionnaires à but pastoral, souvent en langues congolaises (kikongo, lingala, otetela, swahili, tshiluba…), « La Voix du Congolais » signale une prise de conscience politique et culturelle. Deux personnalités ont marqué cette époque : son rédacteur en chef, Antoine-Roger Bolamba (devenu Bolamba Lokolé en 1972) et Paul Lomami-Tshibamba. Bolamba est le premier écrivain du pays à avoir acquis une renommée internationale grâce à son recueil de poèmes « Esanzo, Chants pour mon pays » en 1955. Quant à Paul Lomami-Tshibambe, il s’est fait connaître dès 1948 avec « Ngando, le crocodile » et a publié d’autres récits initiatiques, notamment « Faire médicament, Légende de Londéma et Ngemena ». D’autres écrivains de cette époque méritent aussi d’être signalés : Désiré-Joseph Basembe, Albert Mongita qui se lança dans l’écriture d’une pièce de théâtre en 1956 ou encore Patrice Lumumba qui a laissé quelques écrits politiques avant d’être assassiné peu après l’indépendance. En 1962, la création d’un centre de littérature romane d’inspiration africaine à l’Université Lovanium favorise l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains. Au nombre des auteurs les plus connus, on peut signaler Lisembé (Philippe) Elebe, Timothée Malembe, (Edmond) Withankenge Walukumbu-Bene, wa Kayembe Mubadiate Buabua ou Zamenga Batukezanga.
APRÈS L’INDÉPENDANCE
Par ailleurs, après l’indépendance, de nombreux poètes congolais publient leurs œuvres : Madiya Faïk-Nzuji (« Murmures », 1967 ; « Kasala », 1969) ; Mwana-Ngo Ayimpam (« les Complaintes du Zaïre », 1967) ; Mukala Kadima-Nzuji (« les Ressacs », 1969) ; Tshiakatumba Mukadi Matala (« Réveil dans un nid de flammes », 1969). La plus grande figure des lettres congolaises étant Vumbi-Yoka Mudimbe, tout à la fois poète (« Déchirures », 1971), romancier (« Entre les eaux », 1973 ; « l’Écart », 1979) et essayiste (« l’Autre face du royaume », 1973).
Quant au critique littéraire Georges Mbill a Mpaang Ngal, il s’interroge sur le rôle de l’intellectuel africain dans son roman « Giambatista Viko ou le viol du discours africain » (1975). Signalons également le spécialiste des littératures africaines, Pius Ngandu Nkashama, qui écrit des récits (« la Mulâtresse Anna », 1973), des romans (« le Fils de la tribu », 1983 ; « le Pacte de sang », 1984) et des pièces de théâtre (« la Délivrance d’Ilunga »,1977). Comme on le voit, une nouvelle génération d’écrivains font leur apparition sur la scène littéraire congolaise et se distinguent au cours des années 80. Les plus connus étant sans doute Pius Ngandu Nkashama, Kama Kamanda ou l’homme de théâtre Kashi M’Bika Katende. Un survol de la littérature congolaise au début des années 90 révèle la vitalité des auteurs de cette période. Au tournant du millénaire cependant, les écrivains restés au pays connaissent des moments très difficiles alors que ceux qui se sont expatriés vont de succès en succès, ce qui conduit le critique Alphonse Mbuyamba Nkakolongo à parler de « littérature congolaise à deux vitesses ».
AUTEURS CONTEMPORAINS
Aujourd’hui, des auteurs contemporains comme Vincent Lombume Kalimasi, Marie-Louise Mumbu (dite Bibish), Papy Mbwiti, Jocelyne Kajangu… jouissent d’une certaine reconnaissance dans le pays et à l’étranger, et sont actifs pour la plupart dans la production théâtrale.
L’écrivain congolais le plus connu actuellement étant sans doute In Koli Jean Bofane avec ses « Mathématiques congolaises » qui a remporté un large succès en Europe. Ou l’homme de théâtre Pie Tshibanda extrêmement populaire en Belgique avec ses pièces « Un fou noir au pays des blancs » et « Je ne suis pas fou ». Tous deux œuvrant depuis l’Europe. A noter également, concernant plus spécifiquement Kinshasa, les textes savoureux de Marie-Louise « Bibish » Mumbu dont le délicieux « Samantha à Kinshasa » publié chez Le Cri Afrique Editions et adapté en pièce de théâtre. Celle-ci a par ailleurs collaboré avec d’autres auteurs kinois à un recueil de « Nouvelles de Kinshasa » publié avec l’aide de l’Institut français dans le cadre d’ateliers d’écriture, et qui donnent un bon aperçu du talent de cette nouvelle génération d’auteurs de la capitale, certains plus confirmés que d’autres. Par ailleurs, quelques journalistes et auteurs publient des chroniques, souvent caustiques, dans des journaux. C’est le cas d’André Yoka dans « Le Potentiel », ou de Papy Mbwiti, comédien, auteur et metteur en scène, avec ses textes-chroniques « Aéro et Bipe » qui racontent les impressions et aventures kinoises d’un certain Diki Star, exilé congolais à Paris, de retour au pays, et qui sont notamment publiés dans la revue LOOK’IN.