CHARTE COLONIALE
En application de la conditionnalité assortie au prêt du gouvernement belge à la Couronne, l’acte de cession et la charte coloniale sont adoptés à la Chambre et au Sénat respectivement le 20 août et le 9 septembre 1908.
Le 18 octobre 1908, Léopold II, à court de moyens et sous le feu des critiques (venant surtout de l’Angleterre qui ne réalisera pas la jonction britannique du Caire au Cap), se voit dans l’obligation de léguer l’Etat Indépendant du Congo à la Belgique qui en fait sa colonie. Les pouvoirs législatif et exécutif deviennent belges. Le pays se mue ainsi en Congo Belge et une colonisation plus classique se met en place.
La situation de la population s’améliore graduellement : un réseau d’institutions sanitaires est mis en place, ce qui permet de faire reculer les maladies et la malnutrition, tandis que l’enseignement se développe sous l’impulsion des missionnaires.
L’exploitation du pays s’intensifie avec notamment la découverte d’exceptionnelles ressources minières au Katanga et au Kasaï. Mais l’extraction des matières premières se fait moins féroce. La récolte de caoutchouc touche à sa fin et le transfert de ces matières n’est plus une priorité.
ADMINISTRATION COLONIALE
La Belgique, qui hérite d’un territoire vaste comme quatre-vingt fois son territoire, met en place un système colonial qui se démarque des autres nations coloniales riveraines du Congo comme la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne ou le Portugal. Les parlementaires élaborent un système colonial sous-tendu par la Charte coloniale et basé sur un principe hiérarchique et paternaliste.
La colonie est gérée depuis Bruxelles qui assure son administration et veille à son autonomie économique. Par contre, les tâches non administratives comme l’enseignement, la médecine ou les travaux d’infrastructures sont concédées.
C’est ainsi que se consolide une structure coloniale à trois piliers déjà amorcée sous Léopold II : l’Etat, qui veille à l’administration de la colonie, au maintien de l’ordre et au développement de l’infrastructure sanitaire ; l’Eglise qui se charge d’une mission « civilisatrice » via l’enseignement de la population et la santé notamment ; le Capital derrière lequel se profile essentiellement la Société Générale qui appuie le développement économique de la colonie.
Le territoire du Congo est divisé à la veille de l’indépendance en six provinces : Léopoldville, Equateur, Province Orientale, Katanga, Kivu et Kasaï. Chaque province est placée sous l’autorité d’un gouverneur de province, secondé par des commissaires provinciaux.
Le pouvoir législatif est assuré par le conseil de province. Le système judiciaire comprend deux ordres de juridictions : le premier est réservé aux Européens et se base sur les lois écrites ; le second, réservé aux indigènes, se base essentiellement sur la coutume et est confié aux Africains, sous tutelle de l’administration coloniale.
Le maintien de l’ordre se fait avec le concours de la Force Publique dont les officiers sont tous Européens. Par ailleurs, dans les années cinquante, un projet de révision de la constitution belge (1953-1954) proposera d’inclure le Congo comme dixième province de la mère patrie. Toutefois, cette initiative ne verra jamais le jour, et en 1960 le Congo accédera à son indépendance.
GUERRES MONDIALES ET RÉVEIL DU NATIONALISME
Lors du déclenchement de la première guerre mondiale, la Force Publique congolaise participe à la campagne contre l’Afrique orientale allemande sous le commandement belge. C’est à la suite de la défaite allemande que la Belgique obtient le protectorat sur le Ruanda-Urundi voisin. Au cours de la seconde guerre mondiale, la Force Publique remporte un certain nombre de victoires sur les troupes italiennes en Afrique du Nord.
Le Congo Belge fournit aussi le minerai d’uranium de la mine de Shinkolobwe (Katanga) qui sera utilisé pour la fabrication des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki au Japon. Il contribue ainsi grandement à l’effort de guerre aux côtés des alliés, d’une part, en intensifiant la production des matières premières (caoutchouc, uranium…) et, d’autre part, avec la participation des troupes de la Force Publique à plusieurs expéditions contre les troupes allemandes et italiennes. Se trouvant dans le camp des vainqueurs, les troupes de la Force Publique reviennent avec le sentiment d’avoir rempli un devoir patriotique.
Mais par ailleurs quelque chose a changé dans leur regard non seulement vis-à-vis de l’homme blanc qu’ils ont vu tomber sous les balles de l’ennemi alors qu’on le croyait tout puissant, mais aussi à l’égard du système colonial belge et de ses méthodes pas toujours très humaines. L’effort de guerre demandé aux Congolais pour soutenir la métropole finit par leur faire comprendre qu’ils avaient aussi des droits à faire valoir.
Dans la métropole, des voix se lèvent également pour dénoncer les abus de la colonisation et souligner les faiblesses du système belge. La guerre terminée, des réformes sont envisagées. Cependant ces premières idées d’évolution visent principalement l’élite congolaise urbaine pour laquelle on ébauche des aménagements à caractère social et culturel sans qu’il soit encore question de politique.