CINEMA
Contrairement à une (autre) idée reçue, le cinéma et l’audiovisuel congolais et kinois existent bel et bien – certes, peut-être pas toujours au sens où on l’entend au sein du « modèle » occidental – et dont l’histoire remonte assez logiquement à la colonisation. En effet, malgré la politique du gouvernement colonial et celle du Président Mobutu peu favorables à un « libre accès » au 7e art et au développement de son industrie au Congo, il existe tout de même une production cinématographique congolaise avant et après l’indépendance. Même si celle-ci est globalement assez pauvre quantitativement parlant et clairsemée, faute de structure et moyens mis à disposition. Le cinéma nécessitant en effet dès le départ une logistique et technologie plus dispendieuses à mettre en place que dans d’autres disciplines artistiques où émergent donc davantage de talents nationaux (musique, danse, dessin, peinture…), dès lors qu’elles sont plus aisément accessibles et à la portée du plus grand nombre. Mais ce qui ne sous-tend pas du tout l’absence de talents congolais dans le domaine audiovisuel, au contraire : la tendance actuelle tend d’ailleurs à démontrer l’éclosion d’un vrai cinéma d’auteur porté par des artistes cinéastes et vidéastes véhiculant un regard neuf et pour le moins intéressant et original sur leur ville, culture et pays, et donc en définitive sur leur identité.
ÉPOQUE COLONIALE
Dès 1896, des opérateurs se rendent avec des cinématographes dans l’État Indépendant du Congo, sous la souveraineté du roi des Belges Léopold II. Très vite, le milieu colonial a en effet utilisé l’image photographique, puis cinématographique comme instrument de propagande. Vers 1910, des projections de films, en grande majorité français ou américains, sont régulièrement organisées par des Européens à Léopoldville, mais seulement un nombre restreint de Congolais y ont accès. Pendant la première guerre mondiale, l’État belge va cependant s’employer à organiser une structure de production et de diffusion, pour propager et justifier sa présence au Congo aux yeux de ses alliés et de ses propres ressortissants. En 1916, le Ministère des Colonies crée ainsi le Service de documentation et de vulgarisation, puis décide l’envoi d’une mission cinématographique dirigée par Ernest Gourdinne au Congo, au Ruanda (Rwanda) et en Urundi (Burundi).
Dans les années 20, les prêtres catholiques déploient eux aussi leur propre organisme cinématographique, avec un système de distribution, de salles de projections, de cinémas mobiles et des commissions de contrôle. Quelques tentatives de cinéma commercial sont signalées à partir de 1944, initiées notamment à Aketi (Province Orientale) par un homme d’affaires belge, dont la programmation regroupe des actualités, des dessins animés, des comédies et des courts documentaires.
En 1955, une ordonnance du gouvernement général sur l’accès aux spectacles cinématographiques met enfin les Congolais sur un même pied d’égalité que les Européens. A l’époque, la production cinématographique coloniale officielle est entre les mains d’un abbé, André Cornil, dont l’ambition première était de réaliser des films courts s’inspirant des contes naïfs et pittoresques congolais. Entre 1954 et 1957, il tourne 11 films de fiction avec des acteurs congolais, dont Albert Mongita et Antoine Bumba Moaso, et 22 documentaires éducatifs ou didactiques. Le cinéma à Kinshasa est avant tout à l’époque une activité d’animation populaire et itinérante à travers les quartiers. Le cinéma colonial ayant surtout une vocation didactique et moralisatrice prônant les bonnes mœurs (avec des acteurs comme Pili-pili et Mata Mata), les bienfaits de la colonisation et insistant sur les dérives des superstitions indigènes, etc. A la même époque, des cours privés de cinéma sont organisés au Congo et des Congolais viennent se former à la prise de vue en Belgique, notamment au sein de la firme Gevaert. Des acteurs congolais commencent également à décrocher des rôles dans des films destinés à un public international. En 1953, « Bongolo et la princesse noire » du belge André Cauvin, dont les acteurs principaux sont congolais, est projeté à Cannes. Après l’indépendance du Congo en 1960, les services du plus gros producteur, le gouvernement général de la colonie, quittent le pays, et la production missionnaire devient quasi inexistante. … La jeune République du Congo hérite alors de quelques salles de cinéma à travers le territoire national et dans la capitale, mais la plupart ne survivront pas aux conflits et guerres que le pays a connus au cours de la décennie 60.
(Source : Cécile Walschaerts – « Un cinéma congolais, des premiers temps à nos jours », Inter Press Service News Agency (IPS)).
ERE MOBUTU
Après son coup d’État, le général Mobutu créé une télévision nationale à la dernière pointe de la technologie au sein de la « Cité de la Voix du Zaïre » – devenue aujourd’hui la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC) – et lance son mouvement culturel « d’authenticité » au début des années 1970. La production d’actualités et de productions audiovisuelles est placée sous son contrôle, et donne lieu essentiellement à des films de propagande à la gloire du Maréchal et de son idéologie. Toutefois émergent tout de même à cette époque les premiers films « d’auteur » réalisés par des Congolais, dont le plus célèbre est « Moseka » de Roger Kwamy. Ce n’est qu’après 1989, lorsque Mobutu est contraint de rétablir le multipartisme, qu’un espace public s’ouvre enfin pour les radios et les télévisions.
Vers le milieu des années 1990, la loi sur la presse permet la création de chaînes privées. Des jeunes formés à l’étranger rentrent alors au pays et se lancent dans la réalisation de films ou de reportages. Le théâtre filmé, mais aussi les feuilletons produits au Nigeria ou au Ghana envahissent à ce moment-là les écrans au Congo, et jusqu’à ce jour.
Du point de vue de la création, il faudra attendre les années 80-90 pour voir les premiers talents nationaux confirmés émerger, notamment au sein de la diaspora : Kwamy et le Belge Mirko Popovitch avec « Wendo » ; Dieudonné Ngangura Mweze avec « Kin-Kiesse », « Pièces d’identité », « Les habits neufs du gouverneur » (tourné avec des stars congolaises de la chanson : Wazekwa, A. Dominguez, Marie Misamo, Lutumba, Emeneya, R. Amisi…). Et surtout « La vie est belle », l’œuvre majeure de Ngangura, réalisé avec Benoît Lamy en 1987 dont Papa Wemba tient le rôle principal, et qui est restée LA, pour ne pas dire l’unique référence en cinéma (belgo-)congolais jusqu’à récemment. D’autres noms s’illustrent également comme Tshitenge Nsana, Hemedi Mwanamboyo, et Bokakala grâce à son film sur le martyre chrétien catholique « Isidore Bakanja ». C’est l’époque de « résistance » du cinéma congolais qui tente de s’imposer, voire tout simplement d’exister plus ou moins librement, au travers principalement d’auteurs issus de la diaspora congolaise.
PLUS RÉCEMMENT
Quant aux années 1990-2000, elles voient l’émergence d’une nouvelle vague de cinéastes apparaître avec des gens comme Balufu Bakupa-Kanyinda, Joseph Kumbela, Kibushi Ndjate, Zeka Laplaine, Monique Phoba Mbeka, Guy Bobanyama… Tous leurs films racontent les drames d’un Congo empêtré dans ses élans vers la modernité sans se donner les moyens de s’assumer avec responsabilité, notamment au sein de la classe dirigeante. Cette génération est talonnée par une autre vague de jeunes talents comme Djo Tunda wa Munga, Petna Ndaliko Katondolo, Sandra Boukhany, Gilbert Balufu, Claude Nzeba Hafner…
Davantage décomplexée et qui, dans le cas du premier en tous cas, a contribué à rappeler et imposer avec fracas l’existence d’un cinéma africain et congolais sur la scène internationale, qui n’a certes rien à envier aux autres productions étrangères sur les plans qualitatif et narratif. Son premier long-métrage (tourné intégralement en lingala, à Kinshasa et avec des acteurs et techniciens locaux) « Viva Riva ! » a en effet rencontré un incroyable succès public et d’estime un peu partout dans le monde, remportant de nombreux prix et sélections dans des festivals prestigieux.
Djo Munga a également mis sur pied à Kinshasa depuis une dizaine d’années une offre de formation hautement qualifiante aux métiers audiovisuels, qu’ils soient techniques ou créatifs, afin d’offrir à une nouvelle génération de jeunes des acquis professionnels et des débouchés dans le secteur audiovisuel. Et il n’est pas le seul, d’autres structures de production indépendantes ont vu le jour ces dernières années (au sein de la compagnie kinoise Les Béjarts notamment, mais aussi à Kisangani avec les 3 Tamis, à Goma avec la structure Yolé!…). Et c’est d’autant plus nécessaire que le Congo, et Kinshasa, commencent à avoir « la cote » auprès de réalisateurs étrangers qui viennent y tourner leurs films, et qui nécessitent des équipes techniques locales spécialisées et capables d’offrir un service pro, et de répondre à la demande croissante dans ce domaine pourvoyeur d’emplois. Signalons également la recrudescence d’un cinéma documentaire à Kinshasa et au Congo, aux considérations principalement d’ordre social, et dont de jeunes artistes vidéastes du cru s’emparent afin de dénoncer, interpeller, sensibiliser à des problématiques locales mais aux résonnances globales, et bien souvent avec beaucoup de discernement et talent. Ces œuvres commencent également à circuler à l’international (c’est le cas notamment de la série documentaire « Congo en quatre actes », sélectionnée au prestigieux Festival de Berlin et primée à de nombreuses reprises), et contribuent ainsi également à mettre davantage le Congo en lumière.
PERSPECTIVES AUDIOVISUELLES
L’Etat n’a pas à proprement parler de politique audiovisuelle, mais on assiste tout de même dans chaque ville à une recrudescence de « tournages » et enregistrement d’images, que ce soit au cours de mariages et diverses cérémonies, dans les clips des artistes musiciens très en demande, ou lors de rencontres politiques. Et ce, grâce à la démocratisation de certains petits appareils et caméras à présent plus accessibles. Bien que l’on ne puisse pas encore parler de cinéma en tant que tel.
Mais cette production bien vivace peine à trouver à l’heure actuelle un modèle économique qui lui assurerait une véritable croissance. Sans parler de l’absence globale de programmes de formation adaptés visant à accroître la qualité et la maîtrise technique des œuvres et des protagonistes, et qui leur permettraient d’acquérir des notions scénaristiques et dramaturgiques, qui font souvent défaut actuellement. Même si des projets et initiatives ambitieuses en ce sens émergent ça et là. Seule la mise en place de stimuli politiques et financiers conséquents aiderait le pays à exploiter son potentiel de créativité en termes de production et diffusion audiovisuelle. Les producteurs, musiciens, créateurs de toutes les filières artistiques, et même les entrepreneurs économiques, bénéficieraient largement de l’émergence d’une telle industrie professionnelle qualifiée et organisée.
Lors de la première édition de la Semaine du Film Congolais (Sefico) qui s’est tenue en mai 2011 au centre culturel congolais de Kinshasa, les cinéastes présents ont attiré l’attention du gouvernement sur l’absence, dans un pays aussi important, d’une institution publique régissant la cinématographie et développant une politique audiovisuelle cohérente. L’absence d’une telle structure reflète l’inexistence d’une politique culturelle de l’image et de la représentation de l’imaginaire congolais. C’est un obstacle à l’émergence d’une production cinématographique de qualité professionnelle, à la hauteur de l’immense potentiel créatif et narratif du pays. Les cinéastes congolais attendent donc de leurs gouvernants la création de cet établissement public. Celui-ci serait chargé d’assurer la conception et la mise en œuvre de la politique nationale dans le domaine du cinéma et du multimédia. Il permettrait aussi d’offrir à tout Congolais la capacité d’exercer une influence dans l’expression de sa propre image au lieu de subir la domination écrasante d’images étrangères qui réduit les populations à l’état de consommateurs d’imaginaires extérieurs véhiculant des modes de penser et d’agir exogènes. Particulièrement en ce qui concerne la représentation du vécu et de la réalité congolais, souvent laissée au soin d’intervenants étrangers, qui exercent dès lors une forme de monopole dans ce qui est communiqué au monde sur le pays et ses habitants, en plus de comporter un regard forcément biaisé sur cette réalité. Certaines de ces représentations filmées contribuant parfois en effet à altérer l’image du pays, en la réduisant à des situations circonstancielles localisées, qui ne sauraient refléter la complexité de ce pays continent.
PRODUCTIONS ÉTRANGÈRES
Le Congo, et singulièrement Kinshasa, semblent en effet présenter les prémisses d’un nouvel « eldorado » sur le plan cinématographique et audiovisuel, voire artistique au sens large. Nombre de créateurs étrangers en tous genres viennent en effet s’y « ressourcer » et puiser dans cette énergie et ambiance particulières un peu d’inspiration et une certaine fraîcheur et spontanéité au passage…
C’est aussi le cas de certains cinéastes et réalisateurs étrangers, tant dans le domaine de la fiction que du documentaire, voire de l’animation (la BD n’étant jamais loin, celle-ci étant assez développée et cotée à Kin et au Congo). Certaines de ces œuvres audiovisuelles étant même devenues entre-temps des « success story », qui ont largement tourné à travers le monde et contribué ce faisant à mettre le Congo et Kinshasa en lumière. Et, plus inédit, en les montrant surtout sous un jour positif le plus souvent, et en rendant hommage à ses habitants chaleureux, véritables rois de la débrouille, de la résilience et de la bonne humeur communicative. On peut citer les deux exemples récents les plus marquants dans le registre documentaire, qui ont chacun rencontré un énorme succès : « Benda Bilili » de Renaud Barret et Florent de La Tullaye qui retrace l’incroyable parcours du groupe de musiciens invalides Staff Benda Bilili « des rues de Kinshasa au triomphe international ». Ainsi que, dans le même style, le film « Kinshasa Symphony » de Martin Baer et Claus Wischmann qui s’attardent sur l’Orchestre Symphonique Kimbanguiste et ce pari fou de créer un orchestre classique en Afrique composé de complets autodidactes. Au niveau de la fiction, le récent film canadien « Rebelle » de Kim Nguyen tourné intégralement à Kinshasa avec des comédiens (amateurs pour la plupart) et techniciens locaux, a été sélectionné au prestigieux Festival de Berlin 2012. Et sa jeune interprète principale, Rachel Mwanza, ex-enfant des rues, y a même remporté le prix de la meilleure actrice parmi d’autres vedettes internationales en compétition ! Sans oublier les nombreuses œuvres du journaliste et documentariste Thierry Michel qui se consacre au Congo depuis de très nombreuses années, avec des films à succès comme « Mobutu, Roi du Zaïre », « Congo River », « Katanga Business », et plus récemment « L’Affaire Chebeya » portant sur l’assassinat du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya et le procès qui s’en est suivi.
QUELQUES RÉFÉRENCES DU CINÉMA CONGOLAIS
Djo Munga
Djo Tunda wa Munga est né et a grandi en République Démocratique du Congo. Il entame des études classiques complétées par un enseignement en arts plastiques, puis entreprend la réalisation cinématographique à l’INSAS (Bruxelles, Belgique), où il puise de l’inspiration dans le cinéma européen et américain, avant de retourner vivre dans son pays. Depuis lors, il exploite son bagage en cherchant à créer un nouveau genre de cinéma congolais, « où tout reste à inventer ». En 1998, son film de fin d’études ne plaît pas à la direction de la prestigieuse école belge qui ne le juge pas « suffisamment africain » et lui refuse son diplôme. Qu’importe, Djo parvient néanmoins à placer son court métrage dans différents festivals en Belgique et à l’étranger, et à se faire un nom.
Il réalise ensuite des documentaires et travaille depuis l’Europe. En 2002, il réoriente sa carrière et fonde sa structure de production et formation audiovisuelle à Kinshasa (Suka!). Il travaille en tant que producteur exécutif de documentaires, notamment pour la BBC, ARTE, DRTV et la RTBF. En 2007, il réalise le pilote d’une série autour du sida « Papy » (52 min), suivi du documentaire « State of Mind » qui lui assurent une certaine renommée au sein de la profession. Et en 2010, Djo Munga délivre son premier long métrage « Viva Riva ! » entièrement tourné à Kinshasa, en lingala et avec des comédiens et techniciens locaux. Ce polar dépeint l’atmosphère électrique du Kinshasa d’aujourd’hui et rencontre un énorme succès public et d’estime de par le monde, remportant 6 African Movie Awards au Nigéria et le Prix MTV du Meilleur film africain 2011, parmi une vingtaine de sélections en festivals internationaux. Le film est distribué dans 25 pays dont 18 en Afrique. La sortie du film à Kinshasa fin 2011 a constitué un événement, en tant que premier film congolais de cette envergure depuis « La vie est belle » en 1987.
Mweze Ngangura
L’un des cinéastes congolais les plus prolifiques, il a coréalisé avec Benoît Lamy en 1987 « La vie est belle », une comédie musicale interprétée par Papa Wemba, qui a connu un très grand succès. En 1980, il réalise un documentaire « Chéri Samba » (26 min.), portrait d’un jeune peintre de Kinshasa, suivi en 1983 par « Kin Kiesse ou les Joies douces-amères de Kinshasa-la-Belle », un regard amusé et amusant sur l’ambiance de la capitale zaïroise.
Coproduction franco-zaïroise, « Kin Kiesse » fut primé à Ouagadougou (FESPACO ’83), à Hammamet (CIRTEF ’83), et fut sélectionné pour INPUT ’86 à Montréal. Depuis 1986, Mweze Ngangura travaille comme cinéaste indépendant avec sa maison de production « Sol’œil-Films ». En 1992, il réalise « Changa-Changa, Rythmes en Noirs et Blancs », documentaire réalisé à Bruxelles où musique et rencontres interculturelles s’enrichissent mutuellement. D’autres documentaires et courts métrages sont à mettre à l’actif de ce réalisateur hors pair, il s’agit notamment de « Le Roi, la Vache et le Bananier, Chronique d’un retour au Royaume de Ngweshe », « Le général Tombeur », « Au nom de mon père »… Le cinéaste attache une importance particulière à l’émergence en Afrique d’un cinéma populaire de bonne facture : c’est la seule façon de sortir le cinéma africain des circuits de distribution marginaux dans lesquels il reste souvent confiné tant en Afrique qu’à l’étranger, soutient il. Son film « Pièces d’identité » a reçu le premier prix du Festival Panafricain de Ouagadougou (Fespaco, 1989). Une autre comédie musicale « les habits neufs du gouverneur » avec Wazekwa, Marie Misamu et Bébé Tchianda, tournée à Kinshasa, compte parmi ses succès.
Monique Phoba Mbeka
Monique Phoba Mbeka a élargi le champ du cinéma congolais avec des documentaires, des courts et longs métrages. Parmi ceux-ci, « Entre la coupe et l’élection » est un de ses succès, tourné à Kinshasa, et dans lequel elle remonte le temps pour retrouver dans leur vie actuelle les anciens internationaux du football congolais qui ont représenté l’Afrique en 1974 à la Coupe du monde en Allemagne. Il s’agissait de la première équipe noire d’Afrique subsaharienne à être présente au mondial au moment où le continent africain n’était encore représenté que par une seule équipe.
Fille de diplomate, née à Bruxelles, Monique n’a le contact avec la terre de ses ancêtres que lors de ses quelques vacances à Kinshasa. C’est la sortie de « La vie est belle », le film coréalisé par son compatriote Mweze Ngangura avec Benoît Lamy en 1987, qui lui donne l’envie de faire du cinéma alors qu’elle était en cours d’études commerciales. Depuis, la passion pour le cinéma ne l’a plus lâchée. Elle s’initie au métier dans les Ateliers Varan à Paris et se lance dans le cinéma. En 2005, dans le cadre du mois du documentaire, le Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa l’invite pour présenter ses huit films. Le public congolais, qui ne la connaissait pas très bien, la découvre, ayant habité au Bénin pendant treize ans. L’occasion faisant le larron, elle rencontre des jeunes aspirants cinéastes déterminés à faire du cinéma. C’est à la fin de l’atelier organisé à cet effet, qu’elle monte le projet de « Entre la coupe et l’élection ».
BANDE DESSINEE
Portée par des bédéistes talentueux, d’Albert Mongita à Barly Baruti et Serge Diantantu en passant par l’épopée « Jeunes pour Jeunes », la BD congolaise s’est imposée au fil du temps comme un art populaire très riche malgré un marché intérieur peu favorisé par la situation économique. Les liens coloniaux de la RDC avec la Belgique, terre du 9e art, y étant certainement pour quelque chose… Si les années 1970 et 1980 ont mis en exergue et confirmé de nombreux jeunes talents, il se révèle cependant que cette riche histoire de la BD reste peu connue mais très populaire au niveau local. Outre la bande dessinée belge, dominée par les aventures de Tintin, c’est dans la période de l’après-guerre (1940-1945) que le neuvième art commencera à intéresser le public congolais sous l’influence des missionnaires qui utilisent des récits en images pour susciter des vocations et évangéliser. La première BD faite entièrement par des Africains sera publiée dans la revue Antilope en 1958. Il s’agit de « Mukwapamba », scénarisé par Albert Mongita, speaker à la radio, peintre, homme de théâtre et qui devient aussi l’un des précurseurs de la BD congolaise.
L’année 1965 voit la naissance de la première revue de BD du pays qui allait marquer toute une génération de lecteurs et faire naître des vocations : « Gento oye », créée par Achille Ngoie et Freddy Mulongo, qui deviendra « Jeunes pour Jeunes » en 1968 puis « Kake » en 1971, avant de disparaître à la fin des années 70 du fait de la crise économique et de la censure du régime de Mobutu. Ce journal fera connaître les premiers grands noms de la BD congolaise : Denis Boyau, Lepa Mabila, Bernard Mayo, Djemba, et Sima Lukombo. Et constitue un tournant majeur et déterminant dans le parcours de la BD congolaise. Pour le reste, la seule production régulière à l’époque est d’ordre confessionnel. Parallèlement, le milieu kinois se révèle aussi un gros producteur de BD populaires. Reflets de la culture urbaine, des petits fascicules, conçus artisanalement sont distribués, à des prix dérisoires, sur les marchés et les places publiques. Mais l’après « Jeunes pour Jeunes » n’est pas une période très porteuse pour le 9e art national. Le nombre d’albums commerciaux reste en effet très faible hormis à Kinshasa : deux ouvrages de Barly Baruti publiés par Afrique Éditions en 1987 (« La voiture, c’est l’aventure ») et 1988 (« Papa Wemba. Viva la Musica ») qui suivaient « Fonske, alerte chez les gorilles » (1983) du Belge René Henrard (alias René Kasuku). Face à cette absence d’opportunités, les auteurs prennent d’autres voies notamment l’exil ou la conversion comme Chéri Samba, Bilenge et Ekunde qui deviennent peintres. De nombreux autres dessinateurs ne survivant que grâce à des œuvres commanditées par les ONG humanitaires ou les organismes de coopération.
Suite à un séjour en Europe, Barly Baruti entame entre 1995 et 1998 une collaboration avec le scénariste français Franck Giroux qui donnera lieu à « Eva K., première série occidentale mettant en scène un héros congolais (Evariste Kassaï). Par la suite, Giroux et Baruti créeront la série « Mandrill » dont les sept volumes sortiront entre 1998 et 2007. Au début des années 90, au moment du lancement d’Afro BD, plusieurs dessinateurs (Baruti, Asimba Bathi, Pat Masioni, Thembo Kash) décident de créer l’ACRIA, une association visant à promouvoir le 9e art dans la capitale congolaise en organisant le salon de la BD de Kinshasa (cinq éditions entre 1991 et 2005) ainsi que des stages et des ateliers, organisés à l’ »Espace à suivre » initié par Baruti.
Toutefois, le phénomène migratoire se poursuit. La plus grosse vague de départs correspond à l’année 2002, où la plupart des dessinateurs sélectionnés pour l’album collectif « A l’ombre du baobab » émigrent en France et en Belgique. En conséquence, le milieu éditorial occidental commence à découvrir le talent des dessinateurs congolais. Les éditions Joker puisent dans ce milieu, que ce soit pour la série collective des « Blagues coquines » (à laquelle participent Tshitshi – Albert Tshisuaka et Pat Mombili) mais aussi pour des albums individuels avec les deux tomes de « Vanity » (2006 puis 2009) dessinés par Thembo Kash ou « Le joyau du Pacifique » (2007) de Tshisuaka. Paluku avait auparavant signé le magnifique « Missy » chez La Boîte à bulles en 2006 et sorti le tome 1 de la série « Rugbill » chez Carabas en 2007. Chez Albin Michel, Pat Masioni a dessiné en 2005 puis 2008, les deux tomes de « Rwanda 94 », et a sorti en 2009 « Israël vibration » (Ed. Nocturne) et « Agathe, Agent S.I » (Ed. Grad, en Suisse).
Avec les années 2000, les choses évoluent peu à peu. En 2010, Antoine Tshitungu supervise à Bruxelles une exposition de BD, « Congo trip ». Une autre lueur d’espoir est apparue avec la création d’Elondja, première maison d’édition congolaise de BD, créée à Kinshasa par Dan Bomboko en 2004, dans un élan de retour au pays. Celle-ci a publié cinq mini albums : deux de la série de « Mamisha » (dessinés par Alain Kojélé puis Dick Esalé) et les trois volumes d’ « Elikya, un monde hostile ». Par ailleurs, l’album collectif « Là-bas… Na poto… » financé par la Croix Rouge de Belgique avec le soutien de l’Union européenne a fait découvrir une nouvelle génération de jeunes dessinateurs comme Charly Tchimpaka, Didier Kawende ou Jason Kibiswa (Premier Prix Africa Comics 2007-2008) présents aux côtés de Dick Esalé, Albert Luba, Hissa Nsoli et des » exilés » comme Fifi Mukuna et Pat Masioni, sur des scénarios supervisés par Alain Brezault au cours d’un atelier qu’il a animé à Kinshasa en février 2007.
En parallèle, Africalia (ONG de développement culturel de la coopération belge) soutient la revue Kin label dirigée par Asimba Bathy (huit numéros parus), plate-forme pour des talents locaux tels certains des dessinateurs de « Na poto » bien sûr mais aussi Gédéon Mulamba, Abelle Bowala, Jules Baïsolé, Faty Kabuika, Dody Lobela, ainsi qu’Hallain Paluku. D’autres talents commencent à émerger. L’anthologie collective africaine « La BD conte l’Afrique », publiée en Algérie en juillet 2009, montre encore d’autres œuvres originaires de RDC. Comme si le réservoir était inépuisable, comme si l’histoire de la BD congolaise ne devait jamais s’arrêter… Il lui reste maintenant à devenir une vitrine de l’énorme potentiel artistique de ce pays et surtout à aborder certains thèmes de la société congolaise encore trop peu traités (sorcellerie, guerre civile, sectes, enfants-soldats, phénomène des shégués…) et devenir le relais » éditorial » des peintres populaires qui, pour leur part, n’hésitent pas à les évoquer dans leurs travaux sans réellement toucher le grand public. Un défi sans doute difficile, mais le passage à une réelle considération par le milieu artistique est à ce prix. Le retour au pays des « exilés » qui apportent outils, techniques et moyens financiers étant certes un atout pour les talents qui dorment sous le soleil des tropiques. (Extraits de Christophe Cassiau Haurie).
TINTIN AU CONGO
Le second album des aventures de Tintin au Congo paru en 1930 a déjà fait couler beaucoup d’encre et alimenté nombre de polémiques depuis sa parution. Celui-ci reprend en effet à son compte une série de clichés en vigueur à l’époque coloniale et véhicule la vision très paternaliste du Blanc à l’égard du « bon sauvage », telle qu’elle était partagée par la société belge et européenne au moment où Hergé a écrit cette aventure. Celui-ci reconnaîtra d’ailleurs plus tard avoir été nourri de préjugés à ce sujet (tout comme pour Tintin au pays des Soviets) provenant du milieu dans lequel il vivait, « ne connaissant de ce pays que ce que les gens en racontaient à l’époque ». Mais Hergé se défendra de tout racisme, arguant du fait que l’œuvre contient tout autant de clichés à propos des Occidentaux, présentés également dans le livre de manière caricaturale et simpliste. Ce qui peut également fournir matière à sourire du côté congolais. En 2007 et 2010, ce débat a été réactualisé suite aux plaintes successives d’un citoyen congolais déposées au Tribunal pénal de Bruxelles exigeant l’interdiction de la vente du livre suite à son caractère prétendument raciste. A ces deux reprises, la justice belge a estimé l’accusation de racisme non fondée, considérant que l’ouvrage ne traduisait pas une intention discriminatoire dans le chef d’Hergé, au vu du contexte de l’époque. Les plaignants ont interjeté appel de cette décision. Suite au prochain épisode.
AFRICA DREAMS
Passionnés d’histoire, les dessinateur et scénariste belges Jean-François et Maryse Charles ont décidé de se pencher sur la fascinante histoire coloniale belge, après avoir abordé l’Inde coloniale et ses premières années d’indépendance dans le célèbre cycle « India dreams ». S’en suit une nouvelle série, appelée assez logiquement « Africa Dreams », et qui se consacre aux premières années de l’Etat Indépendant du Congo et de l’épopée congolaise de Léopold II. Le récit retrace la quête d’un jeune séminariste envoyé au Congo à la fin du 19e siècle pour rejoindre une mission de Pères Blancs au Kivu et participer à l’effort d’évangélisation des populations. Mais celui-ci est en réalité secrètement à la recherche de son père, un planteur prospère, farouche misanthrope et volontairement reclus au fin fond des forêts kivutiennes. Pour les auteurs, c’était l’occasion de plonger « au cœur des ténèbres africaines » (ce qui n’est pas sans rappeler en effet le « pitch » du célèbre livre de Joseph Conrad) et de « revenir sur un passé aussi controversé que mal connu en suivant des destins hors du commun ». Léopold II et Stanley étant en effet de la partie… ainsi que le Musée d’Afrique centrale de Tervuren, construit par le monarque à Bruxelles à cette époque. Deux tomes sont parus chez Casterman à ce jour : « L’Ombre du roi » et « Dix volontaires sont arrivés enchaînés ».