La musique congolaise est à la fois un phénomène complexe et diffus, parfois insaisissable, où élitisme et modernisme d’une part, et traditionalisme et aisance de la rue d’autre part, rivalisent pour fusionner dans une osmose remarquable. A chaque circonstance, sa chanson. La musique et la danse ont toujours été présentes dans la vie sociale des villages et de ses habitants. Expression de communion avec l’humanité passée, présente et à venir, la musique emprunte son vaste répertoire dans la riche variété culturelle du pays. Dans la plupart des villages, le geste et la chanson sont indissociables.
Tout événement a un sens, une raison d’être. C’est une manière d’assurer à la vie de la contrée l’équilibre des forces vitales. Ces chansons et danses, qui se déploient avec emphase sur la place publique, aident à célébrer les principaux événements de la vie communautaire (naissance de jumeaux, intronisation ou mort d’un chef, ouverture de la chasse, levée de deuil, et toute autre réjouissance populaire) dans une euphorie féerique qui n’épargne personne. Il est établi que c’est avec la naissance de la ville de Kinshasa qui devient la capitale du Congo (1923) que la musique congolaise prend ses marques. Au départ folklorique, cette musique est alimentée dans la capitale par des groupes qui arrivent de partout : les gens du fleuve, les Kasaïens et les autres venus de l’Est à la suite du développement industriel de la capitale au début des années 1920. Ainsi que quelques communautés ouest-africaines, les Haoussa notamment, qui se trouvaient au Bas-Congo pour la construction du chemin de fer Matadi-Léopoldville. Cette période arrive à préciser la substance de cette musique à travers les groupes formés notamment par les anciens élèves des frères des écoles chrétiennes comme à Boma, Tumba, Mbandaka… Dans cette métamorphose sociale qui englobe aussi des essences musicales diverses, apparaissent les premières manifestations de la musique extra ethnique forgée au contact des Européens, d’autres tribus ainsi que d’autres communautés venues d’Afrique.
PRÉCURSEURS & PIONNIERS
Au début des années 1920 apparaissent aussi sous l’influence des griots et autres chanteurs de génie, de nouvelles formes musicales à partir desquelles se forge la base de la rumba congolaise. C’est cette musique que l’on retrouve chez les pionniers ou précurseurs de la musique congolaise moderne. Ceux évoluant en majorité au sein des groupes Odéon et Américain. Les pionniers, pour la plupart des lettrés à l’instar de Joseph Disasi, Emmanuel Dadet, François Poto Galo, Joseph Mbungu, René Kisumuna et Antoine Kasongo, balisent noblement la voie que vont emprunter et développer leurs successions. La première génération, bien que constituée des contemporains des pionniers, pratique une rumba sensiblement différente tant dans la structure rythmique que dans l’élaboration de l’orchestration. Toutefois, c’est par la musique dite moderne, qui naît vers les années 40, que le Congo développera un art populaire qui a depuis longtemps dépassé les frontières du pays pour s’exporter sur tous les continents.
LES PÈRES DE LA MUSIQUE CONGOLAISE MODERNE
LA RUMBA « MODERNE »
L’implantation de studios d’enregistrement musical notamment Olympia (1939), Ngoma (1947), Loningisa (1950) occasionne l’émergence de musiciens pionniers comme Camille Feruzi, Paul Kamba, Paul Mwanga, Antoine Mundanda, Antoine Wendo, D’Oliveira, Jean Bosco Mwenda, Bukasa, qui vont faire éclore leur talent sous la protection et le contrôle de ces studios. Ils jouent et enregistrent pour le compte des propriétaires. La seconde vague qui se caractérise par la mise en place d’orchestres mieux structurés et révolutionnant la musique grâce à l’apport d’éléments électriques, émerge à partir de Joseph Kabasele (African Jazz, 1953) et François Luambo (Ok Jazz, 1956). Les deux sont considérés comme les têtes d’affiche de la musique congolaise dite moderne qui s’affirme dans les années 1950. Cette génération, et singulièrement ces deux orchestres, enfanteront deux grandes écoles de la rumba congolaise.
Sous la houlette de ces têtes d’affiches, des figures de proue comme Pascal Tabu dit Tabu Ley Rochereau, Vicky Longomba, Docteur Nico Kasanda s’imposeront sur la scène musicale congolaise et africaine. Des artistes comme Manu Dibango sont passés à l’école de Kinshasa pendant cette période-là. C’est l’école de la rumba inspirée et influencée par la musique cubaine et des Caraïbes.
Les deux écoles : l’Ok Jazz et l’African Jazz
De nombreuses formations musicales s’aligneront en effet sur l’une ou l’autre école : African Fiesta, African Fiesta National, African Fiesta Sukisa, Micra Jazz, Makina Loka, les Grands Maquisards, Festival de Maquisards, Vévé, Continental, etc. La démarcation des deux courants va régenter le microcosme musical congolais pendant près de vingt ans, de 1953 à 1970. Ces deux groupes influenceront notoirement la musique congolaise au point que selon les musicologues, deux styles vont s’opposer. L’un est imposé par Franco Luambo Makiadi le fondateur de l’orchestre OK Jazz qui, bien qu’émaillé de nombreuses dissensions, restera un groupe phare pendant 33 années jusqu’à la mort de son maître en 1989. L’autre est distillé par l’African Jazz, c’est l’école de Joseph Kabasele (Kallé) dont le fidèle disciple sera Tabu Pascal mieux connu sous le nom de Tabu Ley Rochereau « le Seigneur », qui, à la disparition de l’African Jazz en 1963 reprendra le flambeau de ce « style ». Joseph Kabasele (Le Grand Kallé) et son groupe African Jazz sont internationalement connus pour avoir lancé en 1960 en marge de la Table ronde belgo-congolaise leur tube « Indépendance Cha Cha ». Avec le guitariste Nicolas Kasanda ,« Dr Nico », reconnu comme l’un des grands virtuoses de la musique congolaise, Tabu Ley monte African Fiesta. Ainsi naît la deuxième génération de la musique congolaise moderne. Ce groupe vivra le temps d’un éclair et va se disloquer pour donner naissance à deux orchestres : African Fiesta National (Tabu Ley) et African Fiesta Sukisa de Docteur Nico. Plus tard, le Negro Succès avec Bolhen et Bavon Marie Marie, jeune frère de Franco, feront fureur avec ce qui est surnommé « Bana ya 15 ans » en référence à ces baby-boomers nés autour de 1950.
UNE NOUVELLE GÉNÉRATION
Les « Belgicains »
Autour des années 1964-1967, un vent particulier venu d’outre-mer à travers les orchestres d’étudiants congolais de Belgique, accouche d’un style de musique assez particulier. Emerge alors une nouvelle génération choc d’artistes musiciens, notamment Roger Nimy (ministre du tourisme en 2003), Jean Pierre Nimy, Zatho Kizonzi, Tony Dee, Max Maxime, Zizi avec les orchestres Yéyé National (de Bruxelles), Los Nickelos (de Liège), Diamant Bleu (de Louvain) et bien d’autres. Le style de ces belgicains apporte une nouvelle bouffée d’oxygène à Kinshasa. Cela déteint indubitablement sur le comportement musical de leurs cadets restés au pays. Thu Zaina se lance le premier dans l’arène avec Kelly, Denis Bonyeme et Roxy Tshimpaka. L’ensemble Yss Boys de Claudy Tala Ngaï, Boni Tshimanga, Ray Lema qui émerge du lot s’oriente plutôt vers la musique « pop ». Dans la foulée, Jacques Pelasimba conduit le groupe les « Mustang » et Vincent Lombounier, les Saphirs. L’influence de la musique Yéyé (Johnny Hallyday, Claude François, Sylvie Vartan, les Beatles) inspire ces jeunes Congolais. Néanmoins, dans l’exécution de la rumba, l’influence de la couleur belgicaine demeure marquante.
Zaïko Langa-Langa
De nouveaux instruments entrent en scène. Cette nouvelle vague influence l’orchestre Zaïko Langa-langa créé par DV Moanda en 1969 et rejoint un temps par Papa Wemba. Zaïko Langa-Langa se construit et se cherche en effet une identité. Ils décident donc d’abandonner la section cuivre, de remplacer les instruments à vent par une batterie, et électrisent la rumba traditionnelle, un peu passée de mode et dont commencent à se détourner les jeunes Congolais. Une fois sur les rails, et également influencé par la diffusion internationale de la musique rock qui distille un style musical beaucoup plus rapide, énergique et dansant, l’empreinte de Zaïko sonne définitivement le glas des deux grandes écoles préexistantes.
Ainsi, apparaît la troisième génération, menée incontestablement par l’Orchestre Zaïko, produisant un style de musique qui, grâce à la conjugaison des apports de Merry Djo (drums) et Pépé Felly Manuaku à la guitare solo et à leur manière singulière de construire la rumba, se démarque totalement des lignes antérieures. Il suscite un énorme engouement, tel que même les portes étendards des deux anciennes écoles, Luambo Franco et Tabu Ley Rochereau qui assure le relais de Kallé, se voient contraints de revoir le tempo de leurs œuvres aux fins de les adapter à la nouvelle donne. L’atomisation ultérieure de l’orchestre Zaïko, qui se déploie en tentacules, permet, avec la danse cavacha, la diffusion du style Zaïko dans les différents groupes issus de sa matrice et qui se réclament tous de sa racine. La constance de ce nouveau genre singularise la troisième génération de la musique congolaise moderne à travers les groupes issus de la dislocation au milieu de la décennie 1970 du clan Langa-Langa. Il y aura Isifi Lokole, Yoka Lokole, Viva la Musica (Papa Wemba), Zaïko Wawa. Après départs, réconciliation et recomposition, l’artiste musicien Jossart Nyoka Longo aura finalement su garder la maison Zaïko sous le label Zaïko Langa-Langa Kolo Mboka. Ce dernier célébrera ses 40 ans d’existence au cours de l’année 2009.
Wenge Musica
Au début des années 80, la relève est assurée par une nouvelle génération qui apparaît sous la conduite du collectif Wenge Musica, qui fera évoluer le courant vers une nouvelle variation plus endiablée que jamais de la rumba d’origine, le « ndombolo », aujourd’hui référence musicale incontournable et qui continue de faire des émules…
Wenge Musica est en effet le groupe musical phare entre la fin des années 1980 et la fin des années 1990, qui aura, dix ans durant, fait danser l’Afrique entière et sa diaspora sur ce qui est appelé aujourd’hui le courant ndombolo (qui s’applique tant à la musique qu’à la danse caractéristique qui l’accompagne). L’influence de Wenge Musica est majeure sur le paysage musical kinois et congolais contemporain. Malheureusement ce groupe musical n’échappera pas non plus au démon de la division qui hante, pour la gloire et la fortune, la musique congolaise. Toutefois, les différents orchestres Wenge et dérivés stabilisent leur musique dans la mouvance Zaïko, en dépit des efforts pour se frayer leur propre voie. On compte sur le marché plusieurs ensembles se réclamant du label Wenge, comprenant les superstars actuelles de la chanson : Wenge Musica Maison Mère (Werrason), Wenge Musica BCBG (JB Mpiana), Wenge Aile Paris (Marie Paul), Wenge Tonya Tonya (Adolphe Dominguez), etc.
LE COURANT TRADI-MODERNE
Autre courant qui se dégage au milieu des années 80 : la musique urbaine dite tradi-moderne qui envahit le paysage musical kinois. Aux groupes purement folkloriques qui à certaines époques venaient des villages ou bien s’étaient constitués à Kinshasa sur le modèle traditionnel de certaines ethnies, ont succédé des orchestres d’un type nouveau à travers l’une de ses plus éclatantes manifestations : le phénomène swede swede à la suite de Bana Odéon de Mangembo (commune de Kintambo). Cette musique à consonance rustique s’accompagne à présent d’instruments contemporains et gagne les bars et autres lieux de spectacles jusque là considérés comme le monopole des orchestres dits modernes. Ainsi s’imposent des groupes comme les Bayuda du Congo, Mabele Elesi, Konono, Basokin…
Aujourd’hui ce courant tradi-moderne a évolué et est plus vivant que jamais, paradoxalement à l’extérieur de la RDC dont il constitue davantage une vitrine de la musique congolaise que le ndombolo et autres styles associés. De fait, on constate que le courant tradi-moderne plaît sans doute davantage à un public occidental, qui le perçoit comme une forme de musique « ethnique », plus authentique que les autres courants actuels dérivés de la rumba auxquels les étrangers sont généralement moins réceptifs (ndombolo, coupé-décalé, soukous, zouk…). Et dont la démarche apparaît aux yeux de ceux-ci comme plus proche d’une démarche artistique « d’auteur », à l’inverse de l’autre courant plus commercial et davantage associé à de la variété locale (la génération Wenge : Werrason, JB Mpiana ainsi que Koffi Olomide, Fally Ipupa, Ferre Gola… avec tous leurs corrélatifs : sape, bling-bling, libanga (dédicaces), placement de produits publicitaires, etc.).
Quoiqu’il en soit, dans le registre tradi-moderne s’illustrent les groupes emblématiques actuels, au succès relativement récent pour certains alors que la plupart sont tous d’un certain âge et pratiquent cette musique depuis de très nombreuses années : Konono N°1, Kasaï Allstars, Staff Benda Bililli… Ceux-ci étant pour la plupart rassemblés au sein du label Congotronics initié par la maison de disques Crammed, et dont les tournées ont lieu partout en Europe et aux États-Unis. Leur style se définissant aujourd’hui comme un mix « électro-traditionnel » davantage urbain, ce qui explique sans doute son relatif effet de mode actuellement à l’étranger.
PAPA WEMBA, « NOTRE PÈRE »
Le jeune Papa Wemba, de son vrai nom Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, découvre très vite sa vocation et ambitionne une carrière musicale. Vers la fin des années 60, il participe à la création de Zaïko Langa-Langa. En 1975, Papa Wemba forme Isifi (« Institut de Savoir Idéologique pour la Formation des Idoles »). Le groupe éclate en 1976 et Yoka Lokole voit le jour. En 1977, il quitte ce groupe et crée le mythique orchestre Viva la Musica. Il se fait entre-temps introniser chef coutumier du « village Molokaï », un village imaginaire, délimité par les rues environnantes de la parcelle familiale dans le quartier Matongé, devenu une référence incontournable.
Papa Wemba a imposé au fil du temps un style musical avec l’usage du lokole, un instrument de musique traditionnel du Kasaï, mais aussi un style vestimentaire (le fameux béret molokaï des années 80), une manière de penser, de parler, de chanter (avec une voix très haute caractéristique de son style et qui lui vaut le surnom de « rossignol du Kasaï »), de danser (le « mukonyonyo »), qui inspirent toujours plusieurs générations de Congolais. Cet art de vivre sera d’ailleurs à l’origine de la SAPE. En 1986, Papa Wemba s’installe à Paris où il crée Viva la Musica Nouvelle Écriture qui coexiste avec le groupe originel Viva la Musica au Congo. Aujourd’hui, après quelques ennuis judiciaires, Papa Wemba est rentré au pays d’où il poursuit sa carrière musicale internationale. Son dernier album « Notre Père » a connu un grand succès, qu’il a ensuite décliné en version « world ». Papa Wemba n’ayant eu de cesse en effet de s’adapter et produire des titres et albums à la fois pour un public occidental (il a collaboré avec Peter Gabriel et son label Realworld), tout en continuant d’assurer l’ambiance dans un style davantage adapté à son « fan base » congolais et africain. Papa Wemba est aujourd’hui la star congolaise la plus connue au monde.
KOFFI CHANTE LUTUMBA
En 2011, Lutumba Simaro, l’icône de la musique congolaise qui a repris le mythique OK Jazz à la mort de Franco, célèbre ses 73 ans d’âge et 56 ans de carrière musicale. Un magnifique parcours avec une discographie qui fait rêver comprenant des chefs-d’œuvre qui ont traversé le temps et fait danser différentes générations. C’est ainsi que Koffi Olomide, le mopao (le guide), a décidé de lui rendre hommage à sa manière pour consacrer ce monument vivant qui continue à surprendre, avec le projet « Koffi chante Lutumba ». Ou la rencontre de deux poids lourds de l’histoire de la musique congolaise.
Koffi, de son vrai nom Agbepa Mumba Antoine, est né à Kisangani le 13 août 1956. Il évolue dans le milieu musical, surtout comme guitariste aux côtés de Papa Wemba, avant de créer en 1986 son propre groupe « Quartier Latin » au retour de ses études à Bordeaux. Longue carrière jalonnée de succès scéniques (Bercy, Olympia, Zénith à Paris) et discographiques avec des titres toujours insolites notamment Monde Arabe, Loi, Attentat, Droit de veto… Plusieurs jeunes talents au top aujourd’hui comme Fally Ipupa sont passés par le Quartier Latin. Avant de se disputer bien sûr, et de se déclarer une guerre ouverte à coups de déclarations tonitruantes, comme dans les autres « écuries » et orchestres kinois… Koffi Olomide et Fally Ipupa faisant partie aujourd’hui des grandes vedettes de la chanson congolaise, représentatives du courant ndombolo et assimilés, avec Werrason et JB Mpiana, parmi d’autres. Tous se produisent régulièrement en ville, dans le pays et à l’étranger.
FALLY IPUPA
Surnommé Di Caprio, Fally Ipupa Nsimba débute sa carrière musicale au début des années 1990 au sein de différents petits groupes de Kinshasa avant d’atterrir en 1999 au Quartier Latin de Koffi Olomide. Polyvalent (guitariste, danseur et chanteur) avec une voix mielleuse particulière, Fally s’impose très rapidement aux côtés de son idole avec lequel il réalise des duos extraordinaires.
En 2006, il entame une carrière solo avec l’album « Droit Chemin » pour lequel il obtient un disque d’or avec plus de 100 000 exemplaires vendus. Il enchaîne concerts, tournées et diverses productions dans les plus grandes salles européennes (Olympia, Zenith…). Trois ans après la sortie de « Droit Chemin », Fally Ipupa revient avec un nouvel album dénommé « Arsenal de Belles Mélodies » qui devient également disque d’or avec plus de 100.000 exemplaires vendus, dont 40.000 en une semaine, un record pour un artiste congolais. Il participe à plusieurs spectacles internationaux notamment au Stade de France avec le groupe Kassav dans la nuit créole (2009) et Youssou Ndour, ainsi qu’avec plusieurs artistes africains dont son compatriote Werrason lors de la nuit africaine en juin 2011.
AUTRES INFLUENCES
Parmi les autres grands noms congolais en musique contemporaine (souvent davantage connus à l’étranger), et dans un tout autre registre, on peut citer :
– Ray Lema : formé à l’occidentale (séminaire, musique classique, piano), Ray Lema est l’un des musiciens africains les plus curieux, dans tous les sens du terme. Toujours en quête de nouveautés, de découvertes, d’inspirations, il n’a de cesse de sillonner la planète et d’enrichir son travail, qui est certainement aujourd’hui l’une des plus belles synthèses entre musiques africaines et sons du monde entier. Il a collaboré avec d’innombrables artistes dont Tony Allen, Manu Dibango, Jacques Higelin, Charlélie Couture, Alain Bashung…
– Lokua Kanza : musicien, auteur, compositeur et chanteur, initié à la musique par Ray Lema. Sa musique puise son inspiration dans son riche bagage multiculturel et multilingue (swahili, kinyarwanda, lingala, français, anglais). Les influences africaines s’y marient à merveille avec des textes en français ou en anglais d’une rare qualité. Son grain de voix particulier lui permet d’interpréter de riches mélodies avec une grande sensibilité. Outre Ray Lema, Lokua Kanza a déjà collaboré avec Papa Wemba, Koffi Olomide, Manu Dibango, Corneille, Miriam Makeba, Jean-Louis Aubert, le collectif « Bisso na Bisso » (mené par le rappeur Passi), etc.
– Jean Goubald : chanteur et guitariste congolais, ainsi que secrétaire général et porte-parole de l’Amicale des Musiciens du Congo (AMC). Goubald chante en lingala et en français, avec un style atypique et une musique mélangeant reggae, blues, R’n’B, jazz et rumba congolaise. Il a collaboré avec Gérard Madiata, Tabu Ley Rochereau, Kalama Soûl, Youlou Mabiala, Mbilia Bel, Redo Likinga, Mopero wa Maloba et le groupe Zaïko Langa-Langa parmi d’autres. Jean Goubald, qui poursuit sa carrière en solo depuis son départ du groupe Okwess, a sorti en 2005 l’album « Bombe anatomique ».
– Flamme Kapaya : reconnu au Congo comme l’un des meilleurs guitaristes solistes de sa génération, Flamme Kapaya vit et travaille entre Paris et Kinshasa. En 1997, il entre dans le mythique groupe Maison Mère du chanteur Werrason. Il y restera dix ans, participant à plusieurs tournées internationales. En 2007, il rencontre le danseur et chorégraphe congolais Faustin Linyekula avec qui il débute une longue collaboration artistique qui l’emmènera partout dans le monde au gré des tournées des spectacles de ce dernier. Parmi ses autres collaborations récentes : Fabrizio Cassol et le groupe de jazz belge Aka Moon ou le réalisateur congolais Djo Munga pour la bande-son de son film « Viva Riva ! ». Flamme vient de sortir son premier album, Banningsville, réalisé par Faustin Linyekula qui met aussi en scène ses concerts.
– Le mouvement rap et hip hop est également très vivace et recèle de belles surprises au sein d’une nouvelle génération d’artistes pour le moins surprenants et assez engagés : Bawuta-Kin ; PNB (Pensée Nègre Brute) ; Section Bantoue ; Smoke ; Bebson de la rue ; Jupiter ; Lexxus Legal (ex-PNB) ; Alesh ; Pasnas ; Ridenza ; Oracle (l’une des rares rappeuses de Kin) ; Didjak Munya (meilleur artiste hip hop Okapi Award 2010) ; Idéalistes Réalistes (dans un registre davantage « ragga-dance ») ; Baloji et Pitcho (rappeurs congolais qui vivent en Belgique) ; Youssoupha (le fils de Tabu Ley Rochereau)… Ces musiciens se situent à mille lieues de la chanson congolaise populaire (rumba, ndombolo), centrée davantage sur la danse, l’ambiance et dont la forme se confond bien souvent avec le fond. Mais ils sont également en train de faire des émules auprès de la jeunesse congolaise, qui se passionne de plus en plus pour cette discipline et pour le slam, ouvrant la voie à ce genre musical relativement inédit en RDC, et à une diversification salutaire dans le paysage musical congolais.
DRC MUSIC : KINSHASA ONE TWO
En juillet 2011, un groupe de producteurs et artistes musiciens britanniques baptisé « DRC Music » et conduit par Damon Albarn (le chanteur des célèbres groupes Blur et Gorillaz), s’est rendu en RD Congo avec pour mission de réaliser en 7 jours un nouvel album pour le compte d’OXFAM. Dans le but évidemment de récolter des bénéfices pour les projets de cette ONG en RDC et de l’aider à faire face aux énormes enjeux humanitaires à l’est du pays.
Défi relevé haut la main par le collectif d’artistes qui a collaboré pour l’occasion avec une cinquantaine de musiciens congolais contemporains, parmi les plus « in » du moment (hors variétés), dont Jupiter et l’orchestre Okwess International, Bebson de la rue, Bokatola System, Tout Puissant Mukalo, Washiba, et Nelly Liyemge entre autres. Mention spéciale d’ailleurs pour le duo « Hallo » enregistré par cette dernière et Damon Albarn himself à la Halle de la Gombe (Institut français de Kinshasa), tout comme les autres compositions. Le résultat, c’est un album de 14 titres très métissé aux accents électro, hip hop et traditionnels, intitulé « Kinshasa One Two », et qui est en vente partout depuis octobre 2011. Info : www.drcmusic.org.
LES VOIX FÉMININES
M’bilia Bel
« La Cléopâtre » comme aiment l’appeler ses nombreux fans à travers le monde. M’bilia Bel, de son vrai nom Marie Claire Mboyo commence sa carrière musicale par la danse dans l’orchestre « Les Redoutables » de Tantine Abeti Masikini en 1976. Elle fait ses classes avec Tshala Mwana. Faisant découvrir sa voix dans la foulée, elle devient choriste dans le même groupe. Au début des années 1980, elle est révélée au public au cours d’une émission de variété à la télévision congolaise.
C’est le déclic, Tabu Ley Rochereau qui est à la recherche d’une chanteuse capable de contrer Abeti et M’pongo Love, pense avoir trouvé l’oiseau rare. M’Bilia Bel est incorporée au sein de l’Afrisa International de Tabu Ley en 1982. Dans l’Afrisa, M’bilia s’impose rapidement et devient bientôt la vedette de la formation redonnant un coup de jeunesse à la carrière du vieux lion en quête d’un nouveau souffle. Elle enregistre plusieurs chansons à succès et effectue plusieurs tournées avec Tabu Ley qui devient, dans la foulée, son producteur et mari. Chanteuse sentimentale par excellence, sa voix langoureuse et androgyne conte les amours déçus, la jalousie, l’infidélité. En 1987, elle se brouille avec Tabu Ley et quitte l’Afrisa pour se lancer dans une carrière en solo. Elle s’installe à Paris en 1988 d’où elle sort son album « Phénomène ». Succès mitigé, il sera suivi d’autres disques notamment « Welcome » et « Bellisimo » qui marque sa rencontre avec la chanteuse malienne Kandia Kouyaté sur le titre « Droit à l’amour ». L’ancienne protégée de Tabu Ley Rochereau continue à apporter une touche d’originalité supplémentaire à ses performances artistiques et à enrichir la rumba congolaise par des suggestives variations mélodiques et rythmiques puisées dans le folklore traditionnel congolais.
Tshala Mwana
Son nom rime avec rythme, cadence et mouvement affirme JP Nimy (Dictionnaire de la musique congolaise, 2007). Elle est née à Lubumbashi, le 13 juin 1958. Amoureuse des airs musicaux à la fois traditionnels et populaires, elle rend hommage à la chanson du terroir en la poétisant en même temps qu’elle la modernise. Tshala Mwana revisite le Grand Kasaï en actualisant les mélodies puisées du folklore luba, auquel elle apporte les ingrédients et ornementations de son cru ainsi que son savoir-faire musical.
En 1977, Tshala Mwana pénètre le monde musical par le biais de la chorégraphie au sein des différents groupes et finit par se fixer dans Tcheke Tcheke Love de Pongo Love. En 1992, elle se lance dans la chanson sous l’encadrement de Rachid King. Elle sillonne l’Afrique et finit par se baser à Paris où elle rencontre Suzy Kaseya qui prend en charge l’arrangement de sa musique. Le succès est au rendez-vous. Dans la foulée, les chefs coutumiers du Kasaï la consacre « Reine de mutuashi » afin de faire rayonner la culture du Kasaï à travers le monde. En 2002, elle met en place un groupe dénommé « Dynastie Mutuashi ». La chanteuse que d’aucuns appellent « Mamu nationale » reste une bête de scène en dépit de son surpoids et de ses responsabilités politiques. Elle encadre Meje 30 qu’elle a fait découvrir au grand public.
Nathalie Makoma
Née le 24 février 1982 à Kinshasa, Nathalie s’est imposée comme chanteuse de charme dans le monde si masculin de la musique moderne congolaise. Basée avec ses parents aux Pays-Bas, elle débute dans la musique dite « religieuse » avec ses frères et sœurs qui décident de faire de leur nom de famille le groupe Makoma. Très rapidement, elle s’impose comme chanteuse principale du groupe. Les Makoma prêchent le Seigneur en lingala dans un détonant mélange de R’n’B et de rap.
De succès discographique à la scène, Makoma devient un groupe phare et tourne à travers le monde. Au sommet de sa gloire avec le groupe Makoma, Nathalie décide pour des raisons personnelles de quitter le groupe familial et de se lancer dans une carrière en solo avec un premier album « On Faith » en 2002. Elle s’installe un moment en Angleterre avant de se baser en Irlande. En 2008, Nathalie Makoma participe à l’émission Idols, l’équivalent néerlandais de la Nouvelle Star où elle finit seconde. Avant de sortir en 2009 un album chez Sony. En 2011, elle accompagne Papa Wemba sur son album « Notre Père » avec une voix voluptueuse et enivrante sur « Six millions ya ba soucis », un des titres phares de l’album qui la révèle.
Princesse Joss Kalim
Elle aime se présenter comme une « citoyenne du monde », avec un pied en Europe et dans plusieurs pays d’Afrique. Princesse Joss Kalim est chanteuse, danseuse et chorégraphe. Au Cameroun, pays de sa mère où elle a passé plus d’une quinzaine d’années, elle a exercé différents métiers dans l’artistique et l’événementiel. Sa voix navigue avec une étonnante aisance entre plusieurs styles et genres musicaux. Véritable diva, elle a fait ses débuts de danseuse en Belgique, et comme chanteuse dans les plus grands cabarets du Cameroun, de Belgique, de France et de Hollande.
Brillante interprète, Princesse Joss Kalim excelle dans le jazz, le blues, la variété française, le bossa latino, le R’n’B, sans oublier le zouk et la rumba congolaise. De passage à Kinshasa sur invitation d’Acria asbl dans le cadre du projet « Rumba distribution » dirigé par le dessinateur Barly Baruti, elle profite de son séjour pour réaliser quelques « featurings » avec des grosses pointures de la musique congolaise et réaliser quelques clips. Auteur-compositeur, elle réussit dans ses morceaux un mélange d’afro-zouk, de rumba congolaise et de jazz, à l’image de son métissage. Son premier album paru en 2002 a connu un joli succès au Cameroun, en Guinée équatoriale et au Gabon. « Amour virtuel », son prochain album est en chantier. Princesse Joss Kalim a collaboré avec Papa Wemba qu’elle a accompagné dans sa formule acoustique. Elle a également participé à son album « Notre Père » (« six millions ya ba soucis » et « Mima »). Elle est à présent mieux connue à Kinshasa sous le nom de « La Grande », le nom de scène que Papa Wemba lui a donné. Elle collabore aussi avec plusieurs autres artistes de renom tels que : Félix Wazekwa, Evoloko, Pépé Félly Manuaku… Princess vient de créer FFF asbl (Femmes fragiles et fortes) qui s’occupe de la promotion des femmes en difficulté par une réinsertion au moyen de l’art et de l’apprentissage d’un métier.
DANSE
Outre les danses folkloriques traditionnelles qui font aussi le renom du Congo et de ses différentes ethnies, il y a les types de danse moderne associée aux styles musicaux actuels, comme le ndombolo et ses avatars (coupé décalé, lopele, soukous, etc.). Celles-ci sont pratiquées par une bonne partie de la jeunesse congolaise dans les boîtes de nuit en ville (souvent devant des miroirs pour pouvoir admirer leur propre prestation)…
Lors de concerts ou clips, les grandes vedettes et leurs orchestres se faisant également accompagner par des groupes de danseurs/euses qui exécutent les pas et mouvements caractéristiques de ces courants en accord avec la musique qui les a vus naître. Ceux-ci consistent globalement en mouvements de hanches assez rythmés et prononcés, voire quelque peu suggestifs… A côté de ces styles de danse populaires – mais néanmoins « techniques » et demandant une certaine pratique et maîtrise – il y a également une scène congolaise en danse contemporaine, assez riche et développée, intégrant parfois des accents hip hop, de danse traditionnelle, voire de ndombolo et autres danses urbaines. Et qu’il est possible de découvrir lors de spectacles dans les centres culturels notamment de la capitale. Parmi ces jeunes chorégraphes, danseurs et compagnies, on peut citer : Dinozord ; Papy Ebotani ; Jean-Marie Musungayi et sa compagnie Diba danse ; Didier Ediho et la compagnie Losanganya Dancing ; Flex ; Jolie Ngemi ; Artcon ; Doudou & Steman ; Ambassa… L’un des artistes les plus connus de la RDC dans le domaine de la danse étant Faustin Linyekula, dont la compagnie est implantée au sein des Studios Kabako à Kisangani, mais qui se produit maintenant un peu partout à travers le monde.